La guerre des vaccins sème la discorde au sein de l’OMC

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En Octobre 2020, l’Afrique du Sud et l’Inde ont proposé aux États membres de l’Organisation mondiale du commerce (OMC) de suspendre les droits de propriété intellectuelle sur les vaccins anti-coronavirus, et ce, jusqu’à ce que l’immunité collective soit atteinte. Il s’agit d’une demande de dérogation aux principes de l’Accord sur les aspects des droits de propriété intellectuelle liés au commerce (ADPIC). Alors que cette proposition a été officiellement parrainée par 58 gouvernements et soutenue par 100 pays, un nombre restreint, mais puissant, de pays s’est opposé à son adoption, y compris, le Brésil, le Canada, les États-Unis, le Japon, le Royaume-Uni et l’Union européenne. Pour que la proposition soit adoptée, il doit y avoir un consensus entre les 164 membres de l’OMC.

Les damnés de la terre à la merci du Big pharma

Selon une récente étude publiée par The Economist, les pays développés, qui ne représentent que 16% de la population mondiale, ont déjà obtenu plus de la moitié de tous les contrats de vaccins. Alors que de nombreux pays à revenu intermédiaire et à faible revenu ne parviendront pas à une vaccination généralisée avant 2025. Force est de noter que des pays, comme le Burkina Faso, le Mali, le Niger, le Soudan du Sud et le Zimbabwe, pourraient ne pas atteindre des niveaux de vaccination significatifs avant 2024. Un tel retard serait propice à de futures mutations potentiellement dangereuses de la Covid-19 et coûterait la vie à plusieurs personnes.

Toutefois, les géants pharmaceutiques sont décidément d’une autre opinion. Aux États-Unis, le Big pharma exhorte l’administration Biden à punir le Chili, la Colombie, la Hongrie et d’autres pays pour avoir cherché à augmenter la production de vaccins sans l’autorisation des entreprises pharmaceutiques (Fang, 2021).

Biotechnology Innovation Organization (BIO) rappelle que la dérogation aux droits de propriété intellectuelle nuirait, non seulement à l’avancement des recherches scientifiques, mais aussi, aux emplois américains. Pour sa part, Pharmaceutical Research and Manufacturers of America (PhRMA) propose de mettre pression sur les partenaires économiques des États-Unis pour ne pas adhérer à une telle dérogation. À ces géants qui tentent de mettre pression sur l’administration Biden s’ajoutent National Association of Manufacturers, Alliance for Trade Enforcement et Intellectual Property Owners Association.

Capitaliser les profits et socialiser les dépenses

En réalité, la plupart des subventions destinées à appuyer la recherche sur le coronavirus proviennent de deniers publics. Et bien que les gouvernements aient investi 17 milliards de dollars, ils sont tout de même dans l’obligation de payer à nouveau des montants vertigineux pour se procurer les doses nécessaires. En d’autres mots, les citoyens paient deux fois pour le même vaccin, selon Marc-André Gagnon, professeur de politique publique à l’Université Carleton.

La nouvelle technologie, qui est au cœur du vaccin Moderna, a été développée partiellement par les National Institutes of Health, et ce, par le recours en partie aux fonds fédéraux américains. Grâce à l’argent des contribuables, Moderna a reçu approximativement 2,5 milliards de dollars, notamment, pour accélérer ses recherches. Bien que Moderna se soit engagé à ne pas appliquer ses droits de propriété, en particulier, ses brevets, contre ceux qui produisent des vaccins destinés à lutter contre la pandémie, son offre est moins généreuse qu’il n’y paraît. En effet, d’autres dispositifs de propriété intellectuelle, tels que le savoir-faire ou les secrets commerciaux, sont aussi nécessaires pour produire les vaccins. Pour sa part, Pfizer a reçu une subvention de 455 millions de dollars de la part du gouvernement allemand et près de 6 milliards de dollars en promesses d’achat de la part des États-Unis et de l’Union européenne (Prabhala et al, 2021). Idem pour AstraZeneca qui a bénéficié de financements publics durant la phase du développement de son vaccin et qui a reçu plus de 2 milliards de dollars des États-Unis et de l’Union européenne.

De nombreuses voix de la société civile canadienne et québécoise s’élèvent contre cet égoïsme et cette injustice. « Ce que cette pandémie nous rappelle haut et fort c’est que personne n’est vraiment en sécurité tant que nous ne sommes pas tous en sécurité. Ce qui est vrai au niveau des individus l’est aussi au niveau des pays »[1].  En collaboration avec Amnistie internationale Canada francophone et plusieurs organisations sociales et syndicales, le Réseau québécois sur l’intégration continentale (RQIC) a appelé le gouvernement canadien à agir en faveur d’un vaccin gratuit et universel. Plus on accélère la vaccination à l’échelle du globe, plus on sauve des vies.

[1] Louise Arbour, « Renouveler la coopération internationale », Le Devoir, 16 mai 2020. https://www.ledevoir.com/opinion/idees/579078/sortie-de-crise-relations-internationales-pour-une-forme-renouvelee-de-cooperation-internationale.

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