Bien que l’Accord économique et commercial global (AÉCG) entre le Canada et l’Union européenne (UE) soit entré en vigueur à titre provisoire le 21 septembre 2017, l’UE doit le valider auprès de tous ses membres afin qu’il soit adopté de manière définitive. Or, le 31 juillet 2020, Chypre est devenue le premier État européen à avoir rejeté la ratification.
Tous les partis chypriotes à l’exception du parti conservateur s’y sont opposés, à 37 contre 18.
Halloumi, les battons dans les roues
D’emblée, l’échec de ce processus de ratification est dû à de nombreuses raisons, notamment, les inquiétudes que soulève la libéralisation du fromage connu sous le nom d’halloumi, les divergences canado-européennes sur les normes liées à l’utilisation des OGM, ainsi que, les préoccupations relatives à la mise en place du système de tribunal de l’investissement. À tout cela s’ajoutent également le désaccord des syndicats agricoles et ouvriers, d’une part, et, d’autre part, les revendications sociales et écologiques exprimées par le parti vert.
Le gouvernement a échoué de négocier de meilleurs conditions pour les produits nationaux,
parmi lesquels, le fromage halloumi qui n’est pas suffisamment protégé selon l’opposition.
L’AÉCG ne désigne pas le fromage halloumi en tant que produit géographiquement protégé,
surtout qu’il est l’un des produits emblématiques que les producteurs chypriotes exportent.
S’il y a une chose sur laquelle les chypriotes grecs et turcs de l’île divisée peuvent s’accorder, c’est que l’indication géographique protégée est requise pour mettre en valeur leur fromage. Autrement dit, il faut se protéger des fromages halloumis rivaux non originaires de Chypre, entre autres, les imitations américaines, britanniques, canadiennes et danoises.
L’AÉCG, est-il face à une impasse ?
À l’heure actuelle, trois scénarios potentiels se dessinent peu à peu. Premièrement,
l’UE peut réagir à une telle situation grâce à des mesures juridiques intégrées dans l’accord. En théorie, aucun état européen n’est juridiquement apte à saborder l’accord. Par conséquent, seules les autorités européennes peuvent mettre fin à l’entrée en vigueur provisoire qui, techniquement, sont supposées soumettre une proposition à adopter par le conseil européen. Deuxièmement, si Chypre parvient à déclencher un effet domino auprès de ses voisins, il est fort à craindre que l’accord se heurte à des obstacles empêchant sa ratification. Chypre est invitée dans ce cas-ci à envoyer une note officielle à Bruxelles, selon laquelle, le conseil européen doit accepter que l’application provisoire doive être et sera résiliée. Finalement, il faut s’attendre à ce que de nouvelles négociations soient entamées pour, non seulement, empêcher le gouvernement chypriote d’envoyer sa notification formelle, mais, de négocier de nouvelles conditions permettant l’acceptation par l’opposition chypriote. Le Canada et l’UE pourraient accepter l’indication géographique exigée pour protéger l’halloumi, sans avoir besoin de remettre en cause tout le processus de ratification. Quoique, d’autres états européens puissent en profiter pour soumettre des demandes similaires.
Bref, bien que l’UE tente de remettre en question la décision de Chypre, les yeux sont maintenant tournés vers les Pays-Bas, qui doivent maintenant voter, alors que le parti social-démocrate, majoritaire, a annoncé son intention de rejeter l’accord.