La 11e ministérielle de l’Organisation mondiale du commerce s’est tenue dans un contexte de crise sociale en Argentine, qui résulte de l’offensive du nouveau gouvernement de droite en Argentine, qui a décidé de s’attaquer à la fois aux normes du travail et au régime de pension. Le président argentin Macri a fait coïncider l’adoption des mesures rétrogrades avec la tenue de l’OMC, institution qui incarne tout ce qui est associé à la mondialisation néolibérale.
Les travaux de l’OMC se sont conclus alors que le parlement était convoqué pour voter sur les projets de loi sur la réforme du travail et du régime de pension. La manifestation du Sommet des peuples Fuera OMC (Dehors l’OMC) a eu lieu le mardi et a réuni près de 10 000 personnes. Le lendemain, mercredi 13 décembre, c’était au tour du mouvement syndical, avec l’appui de nombreux groupes sociaux de réunir près de 100 000 personnes, pour lancer un avertissement aux députés de ne pas voter la loi. Des affrontements et des arrestations ont lieu sur la Place du 9 juillet.
Une mobilisation sociale majeure
La mobilisation sociale s’accompagne d’une menace de grève générale au lendemain d’un vote positif par le parlement. Lorsque les représentants ministériels à l’OMC s’envolent dans leur pays, le parlement tient ses audiences délibératives le jeudi 14 décembre. Alors que de nouvelles manifestations ont lieu devant le parlement et que des affrontements mettent aux prises l’antiémeute et des groupes masqués, la suspension du vote a convenu au parlement, reconnaissant, du coup, la force certaine du mouvement social. Le parlement serait toutefois reconvoqué au cours de la semaine prochaine.
L’objectif de recevoir l’OMC de la part du gouvernement Macri et l’idée de mettre au jeu au même moment les réformes du travail et des pensions visent, visent, de toute évidence, la relance du processus de libéralisation de l’économie, à un moment stratégique important. En effet, le contexte latino-américain est caractérisé par la reconquête du pouvoir par la droite, suite aux reculs des gouvernements de gauche latino-américains qui le détenaient depuis des décennies.
À la clé, le gouvernement Macri mettait une pression énorme pour annoncer, juste avant le vote sur les projets de loi et lors du dernier jour de l’OMC, un début d’entente de libre-échange entre les pays du Mercosur et l’Union européenne, qui constituerait un marché de plus d’un milliard de personnes. Non pas qu’une telle annonce n’était pas possible, mais elle fut empêchée évidemment par l’impuissance de l’OMC à faire avancer les négociations en général, mais aussi par l’effervescence sociale, qui accentuait le discrédit de Macri. La compétition au sein des pays latino-américains, notamment entre le Brésil et l’Argentine, deux gouvernements de droite, semble aussi être un facteur clé.
Le Sommet des peuples Fuera OMC
Les personnes à l’initiative du Sommet des peuples Fuera OMC avait vu venir le coup et avait lancé un appel à la mobilisation internationale, concentrant les critiques sur la mondialisation néolibérale. Selon Émilio Taddei, membre du Groupe d’étude sur l’Amérique latine (GEAL) impliqué dans l’organisation du Sommet, la jonction avec le mouvement syndical et populaire ne s’est toutefois pas opérée, même si les uns et les autres étaient en phase des événements. On constatait la présence de syndicalistes au Sommet et, vice-versa, les réseaux associés à Fuera OMC sont opposés aux réformes Macri et ont participé aux manifestations des syndicats.
La tenue du Sommet des peuples de Buenos Aires ouvre une voie par laquelle le renouvellement des mouvements sociaux peut emprunter. Les organisations argentines qui se sont activées localement à mettre sur pieds la logistique du Sommet des peuples ont commencé à faire le bilan du rassemblement.
La participation de jeunes, le mouvement féministe continental, la présence de mouvements sociaux internationaux, notamment Via Campesina dont une présence remarquée de paysans coréens, mais aussi les réseaux ATTAC qui connait un développement certain en Amérique latine, la présence de l’ensemble des réseaux qui luttent contre les accords de libre-échange, les réseaux latino-américains de résistance, y compris les organisations associées au Forum social mondial au Brésil, étaient tous présents au Sommet des peuples Fuera OMC.
Tous ces réseaux et courants internationaux ont aussi décidé de relever le défi de la mobilisation à Buenos Aires, à l’occasion de la rencontre de l’OMC. L’objectif est évidemment de réaffirmer l’opposition des mouvements sociaux à une mondialisation profondément inégalitaire. Sur ce plan, le Sommet des peuples fut une occasion importante pour contribuer à la relance des mobilisations anti-systémiques.