Depuis 2008, alors qu’a pris fin le cycle de Doha initié par l’OMC, les négociations multilatérales à plusieurs pays ont laissé place à la multiplication des accords bilatéraux, ou qui impliquent moins d’acteurs. Si la présente rencontre ministérielle de l’Organisation mondiale du commerce (OMC) cherche à relancer les discussions multilatérales, elle a en son sein un obstacle de talle : Donald Trump et les États-Unis.
Même si les États-Unis avec les autres pays développés maintiennent une forte pression pour la libéralisation des marchés, l’opposition américaine aux démarches multilatérales ne date pas d’hier ou de l’élection de Donald Trump. La 11e ministérielle de l’OMC ne fait pas exception : l’administration américaine a indiqué à l’avance qu’elle refuserait toute déclaration commune à l’issue des travaux de la rencontre de l’OMC. Son porte-parole négociateur Robert Lighthizer a fait savoir qu’il quittera avant la fin et que l’avenir de l’OMC est compromise. Toutefois, la rencontre est instructive d’une conjoncture qui favorise un nouvelle offensive sur le travail et sur une pression accrue à la déréglementation du commerce numérique.
Un contexte favorable à une nouvelle offensive néolibérale
Pour la tenue de cette rencontre, le choix de l’Argentine n’est pas étranger à la conjoncture politique en Amérique latine. Depuis les années 2000, l’Amérique du Sud était le continent qui symbolisait la possibilité de développer une alternative politique avec l’arrivée au pouvoir de gouvernements de gauche. C’est d’ailleurs notamment cette vague de mobilisations et de changements sociaux qui ont permis, en 2005, de faire tomber la Zone de libre-échange des Amériques (ZLÉA) au Sommet des États de Mar del Plata en Argentine.
La présente rencontre ministérielle est une première pour l’OMC en Amérique du Sud. Et Buenos Aires sera aussi l’hôte du G20 en juillet 2018. Le gouvernement Macri, qui sort renforcé du dernier scrutin électoral en Argentine, veut montrer à la communauté internationale que les politiques néolibérales et le libre-échange ont de nouveau le vent dans les voiles en Amérique du Sud.
L’objectif poursuivi par cette onzième rencontre de l’OMC vise donc à relancer le processus multilatéral de libéralisation de l’économie. L’organisme remet en selle certains dossiers qui sont discutés depuis des années, comme la pêche, l’agriculture et le développement. Toutefois, avec la présente rencontre, l’OMC tente d’aller plus loin, en avançant une démarche pour discuter du commerce électronique.
Les bases de données, le nouveau pétrole de l’économie mondiale
Une nouvelle marchandise non palpable fait son apparition dans les discussions de l’OMC à l’occasion de la 11e ministérielle, il s’agit de la libéralisation des règles entourant la possession et l’usage des bases de données. Cette question soulève à la fois la confidentialité des données sur les personnes, mais aussi le secret des opérations des entreprises et des gouvernements. Il s’agit évidemment d’un dossier clé pour les entreprises multinationales et les gouvernements, comme Amazon, Google et autres Netflix.
En résumé, lors de cette rencontre, s’oppose des intérêts très polarisés: les pays développés et les grandes entreprises de commerce en ligne veulent mettre la main sur le « nouveau pétrole » de l’économie mondiale, les bases de données au meilleur prix, sans payer de taxes ; alors que les pays en développement sont empêchés de soutenir financièrement leur agriculture, pour des raisons de sécurité alimentaire, dans une démarche vers la souveraineté alimentaire.